A ma fille !

A ma fille !

Ma fille tu as cinq ans.

Cinq ans et la vie devant toi.

En cinq ans tu as appris à respirer, à manger, à vivre. Les mois passant, tu as voulu voir plus loin, aller chercher ce qui n’était pas à ta portée, tu as appris à te déplacer. Parfois tu es tombée, parfois tu as fait des erreurs, mais chaque fois tu t’es relevée, chaque fois, tu as avancé.

Cinq années de synthèse, de millénaires d’évolution qui t’ont précédé, qui t’ont permis d’être ce que tu es, ce que tu seras.

Pendant ces millénaires, l’Homme a affronté bien des turpitudes, surmonté bien des épreuves, résolu bien des difficultés.
Et chaque fois il a grandi, chaque fois il s’est renforcé.

En plus de deux mille ans, notre pays, ton pays ma fille, s’est montré inventif, persévérant, époustouflant. Ce carrefour aux confins de l’Europe a appris, parfois dans la douleur, à repousser ses envahisseurs, des terres ou des mers, et à garder ses amateurs.

En plus de deux mille ans, nous avons élevé nos cathédrales et tutoyé les cieux, inventé des baïonnettes pour nous défendre mais aussi la transfusion sanguine pour réparer les erreurs, apprivoisé la vapeur et l’automobile, amélioré les machines de guerre et découvert la morphine.

Des français ont payé de leur vie les luttes pour la liberté, face à l’oppresseur étranger ou face aux injustices. La guillotine aura ôté la vie à 17.000 personnes, c’est 17.000 de trop, dans des années d’excès. Dans le même temps, l’Abbé de l’Epée devenait bienfaiteur de l’Humanité rendant une vie à des milliers de sourds-muets, et quelques temps plus tard, Louis Braille touchait la grâce du bout des doigts.

Parmi les plus grands chercheurs, des français ont inventé la biologie et théorisé la génétique, vaincu la rage, découvert le radium, vaincu la peste, participé à l’éradication de la variole et inventé la chirurgie vasculaire.

En l’espace d’un demi-siècle, nous avons séparé l’atome, assemblé les gènes, découvert la Mer de la Tranquillité, colonisé le ciel, n’avons jamais été aussi prêts de toucher les étoiles du firmament, de nouvelles sciences, de nouvelles technologies marquent la frontière entre la vie et la mort.

Nous l’avons fait, nous pouvons le refaire, sois en sûre.

Ce petit grand pays n’a pas à chercher d’excuses, car ses actions sont à prendre à l’aune des millénaires.

Quoi ! Parce que la France a eu des colonies nous devrions rejeter Voltaire, Montesquieu et Maupassant ? Parce qu’un jour tu as fait un croche-pied à un petit camarade de maternelle je devrais punir tes enfants ?

Edmond Dantès, Les Trois Mousquetaires, que tu découvriras un jour, sont nés de cette histoire.

Nombre de nos frères sont venus de ces lointaines contrées, mourir dans des tranchées, à des milliers de kilomètres de chez eux, c’est vrai. La République étant égalitaire, ce n’est ni moins ni plus respectable que les lorrains ou les marseillais. C’est ainsi, une France qui défend ses valeurs, son histoire, sa vie.

Assurément, à cette époque, beaucoup d’entre eux avaient lu Dumas, Hugo, Zola, Rostand.
Rostand et son Cyrano, le panache à la française. Un panache si typique que les anglais en ont conservé le mot.

Seulement voilà ma fille, tu devras bientôt apprendre cela par toi-même, car certains auteurs, des pans entiers de notre histoire, de ton histoire, ne te seront plus enseignés. Ils ne sont pas corrects, ils sont toxiques, dangereux.

Le savoir est dangereux. Car le savoir amène à la discussion, et la discussion à la contestation. Heureux les simples d’esprit.

Il aura fallu un millénaire pour hisser les populations françaises à la connaissance, faire sortir tes ancêtres de la caverne, mais une génération seulement pour les y faire rentrer, et les vouer de nouveau aux peurs millénaristes. C’est si commode, quand on est borgne, de régner sur des aveugles.

« Le peuple a faim ? Donnons-lui du pain, et des jeux ! »

Mais lors de ces jeux, surtout, qu’on ne chante pas non plus La Marseillaise, notre hymne, ton hymne national.
Ce chant symbolique entre tous, chanté à tue-tête avec plaisir comme pour rappeler que la Liberté est notre bien le plus précieux, et qu’elle fut conquise de hautes luttes.
Avec La Marseillaise un roi fut destitué, un autre fut adoubé, en un siècle notre pays fut transformé.
« Aux armes citoyens » est-il un chant guerrier ? Oui quand l’ennemi est à nos portes, et oui, surtout, quand reparaissent « nos vieux ennemis, le mensonge, les préjugés, les lâchetés ». Ah Cyrano que tu es loin …

« Ah ! Je vous reconnais, tous mes vieux ennemis !
Le mensonge ? les préjugés, les lâchetés ! …
que je pactise ?
Jamais, jamais ! -ah ! Te voilà, toi, la sottise !
-je sais bien qu’à la fin vous me mettrez à bas ;
n’importe : je me bats ! Je me bats ! Je me bats !
oui, vous m’arrachez tout, le laurier et la rose !
Arrachez ! Il y a malgré vous quelque chose
que j’emporte, et ce soir, quand j’entrerai chez Dieu,
mon salut balaiera largement le seuil bleu,
quelque chose que sans un pli, sans une tache,
j’emporte malgré vous,
et c’est… mon panache ! »
Si certains veulent une France médiocre, nous nous devons, tu te devras de leur opposer La Marseillaise comme un rappel à l’ordre.
Et quoi, le drapeau ensuite ? Pourquoi ne pas retirer une couleur ici ou là, trop politiquement incorrecte, risquant de blesser une certaine catégorie de population.
Et quoi enfin ? La France peut-être. Tout simplement.
Pourquoi ne pas proposer, lors de ces jeux populaires, d’enfermer une bande d’incultes notoire dans un loft en leur demandant de trouver un nouveau nom, un nouveau drapeau, et un nouvel hymne au pays ?
Comme l’aboutissement logique d’une « démocratie participative » dont le sens même est d’une ironie sans nom.

N’aies pas peur petite fille, n’aies pas peur d’ouvrir un livre qu’il soit papier ou numérique, n’aies pas peur d’avoir faim, n’aies pas peur d’avancer, n’aies pas peur de ce qui fut, car grâce à ça, tu es ce qui sera.

N’aies jamais peur de chercher, de contester, car c’est ce qui fait avancer. Tu n’es pas ton histoire, mais tu dois la connaître, d’elle tu inventeras le futur.

Qu’on te laisse grandir.

Richard Fremder

Un commentaire on - A ma fille !

  • EDITH REBILLON
  • 19 mai 2014 at 10 h 07 min
  • Répondre

Cher Richard,

Ce texte est si vrai, et si constructif merci de nous l’avoir donné c’est un cadeau que je vais offrir à Julia Ma fille 16 ans hier.
Ne change pas, ne change rien …Et surtout pas ton regard sur cette époque où rien ne semble simple, mais où tout reste à reinventer…

Amitiés

Edith Rébillon

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